Médecines complémentaires ou alternatives ? Définitions et relations entres les différentes approches

par Romain Orio

Relations entre l’ostéopathie et la médecine classique

Il est parfois bien difficile de s’y retrouver avec tous les adjectifs utilisés pour caractériser les différentes approches thérapeutiques.

Pour simplifier, on peut appeler "médecine" une pratique de soin ayant pour vocation d’établir un diagnostic et de proposer un traitement. Ce traitement peut faire appel à la chimie (médicament de synthèse ou naturel comme la phytothérapie ou l’aromathérapie), ou à la physique (ostéopathie, acupuncture, shiatsu, et toutes sortes de vibrations comme les sons aussi !). L’homéopathie a un statut un peu particulier dans ce cadre là, car les remèdes se situent quelque part entre physique et chimie, mais c’est un autre débat...

En occident, et aujourd’hui très majoritairement dans le monde, la médecine la plus répandue est celle que nous connaissons tous, la médecine allopathique ou médecine classique ou conventionnelle : celle que l’on retrouve chez son médecin généraliste ou spécialiste, à l’hôpital, et qui remplit largement les étagères des pharmacies. Et bien sûr, c’est aussi la médecine la plus répandue dans tous les cabinets et cliniques vétérinaires.

L’ostéopathie quant à elle va se classer dans la catégorie des médecines non conventionnelles par "opposition" à l’allopathie. Tout comme l’acupuncture (une des branches de la médecine traditionnelle chinoise avec la pharmacopée / phytothérapie, les massages tuina, la diététique et le qi gong), l’homéopathie, l’aromathérapie ou la phytothérapie. Même si certaines de ces pratiques sont couramment et de plus en plus souvent intégrées à la médecine conventionnelle.

On évitera le terme de médecine "traditionnelle", qui est trop ambigu : la médecine chinoise dite traditionnelle n’est pas de nature allopathique, les conventions et traditions varient d’une époque à l’autre, d’une culture à l’autre, etc... Les termes utilisés ici sont donc valables à notre époque, et sur "notre" partie du globe !

Mais on entend beaucoup parler de "médecines alternatives" !
Et pourquoi pas, car effectivement, ces différentes approches permettent souvent de proposer une alternative thérapeutique quand le traitement classique ne suffit pas ou ne suffit plus, voire même n’existe pas !
L’embêtant avec ce terme, c’est qu’il oppose les deux approches. Or s’il est bien un mal dont souffre notre société, et qui modela assez tragiquement l’histoire et celle de la médecine au sens large, c’est bien l’opposition systématique : le clivage permanent entre deux clans (voire davantage) entre lesquels il faudrait nécessairement choisir.

Mais le vivant est complexe, et nos moyens humains pour l’explorer et préserver son bon fonctionnement sont encore parfois insuffisants, malgré les progrès immenses de la science et de la médecine au cours des siècles. Et certaines approches sensibles de la biologie n’ont pas eu le même succès historique que la médecine conventionnelle, pour un certain nombre de raisons qu’il serait bien trop long de développer ici !

Pour autant, elles restent une aide précieuse pour prendre soin du vivant. Parfois seules suffisantes, parfois en complément de la médecine classique. C’est pourquoi le terme de "médecine complémentaire" me semble le plus approprié.

C’est ainsi que je peux constater, au sein de mon activité quotidienne de vétérinaire pratiquant l’ostéopathie, l’intérêt d’utiliser l’ensemble des différentes approches thérapeutiques à ma disposition.

Certains patients me sont amenés pour une consultation d’ostéopathie directement. C’est le motif de consultation, quel que soit l’historique et le dossier médical de l’animal en parallèle. Parfois nous sommes (la clinique dans laquelle j’exerce) les vétérinaires traitants habituels, et parfois non.
Dans ce cas, nous faisons de l’ostéopathie, même si forcément, nous discutons aussi de l’état général de l’animal...

Mais chaque jour, beaucoup d’animaux viennent en consultation pour "un problème" : une boiterie récente ou ancienne, des douleurs inexpliquées, une difficulté locomotrice, une baisse d’appétit etc... Notre mission de vétérinaire dans ce cas est de mettre en oeuvre tous les moyens à notre disposition pour comprendre ce qu’il se passe, établir un diagnostic et proposer un traitement.
Cela passe par un examen clinique (auscultation, palpation etc), parfois des examens complémentaires (analyses de sang, radiographie, échographie etc), ensuite des médicaments, une chirurgie, une hospitalisation... mais pas seulement ! Car l’examen clinique, quand il est enrichi d’une palpation "ostéopathique", est beaucoup plus riche d’informations.
Pour utiliser une métaphore de bricolage : plus on a d’outils à sa disposition, plus on peut faire de choses (difficile de refaire une maison avec juste un marteau, deux tournevis et une seule pince !).

Quant au traitement, quand cela est indiqué, l’apport de l’ostéopathie est une vraie chance en plus pour l’animal pour l’aider à retrouver la santé, en complément des éventuels traitements classiques nécessaires. En ostéopathie, les contre-indications sont rares, les non-indications sont plus fréquentes (c’est à dire que dans l’immédiat ce n’est pas le plus pertinent, ou le plus urgent).
Pour en savoir plus à ce sujet, voir l’article dédié L’ostéopathie en médecine vétérinaire ?

Et à l’inverse, certaines consultations d’ostéopathie nécessitent d’aller au delà cette approche uniquement manuelle : quand la boiterie / douleur persiste et qu’il y a peut-être une lésion grave sous-jacente, quand la fatigue s’explique par de la fièvre ou une insuffisance organique (rénale, cardiaque...), par exemple.

La complémentarité des médecines se retrouve partout, les aller-retours sont nécessairement permanents entre les différentes approches à partir du moment où l’on veut pouvoir gérer globalement l’état de santé d’un animal en souffrance, dans le cadre d’une clinique vétérinaire généraliste. Et quand on exerce une seule spécialité, ou que le cas nécessite des compétences particulières (comme certaines chirurgies de la colonne vertébrale par exemple), alors il faut savoir référer l’animal entre les différents spécialistes (un peu comme le parcours de soin en médecine humaine !) pour apporter les meilleurs soins possibles.

En conclusion, vous le voyez, la médecine (ou devrais-je dire les médecines !) est un domaine vaste et complexe. L’étude du vivant est passionnante, régulièrement déconcertante aussi. On la classe plutôt dans le domaine des sciences en règle générale. Mais n’oublions jamais que la caractéristique majeure d’un scientifique est la remise en question (de lui-même et de ses connaissances), le questionnement permanent, la recherche de la meilleure option ou la quête d’une nouvelle. Car la science évolue en permanence. C’est pourquoi, pour s’y retrouver et naviguer l’esprit ouvert dans l’étude et le soin du vivant, cela nécessite aussi des qualités plus subtiles que la simple rationalité dont on affuble généralement les "blouses blanches". On parle d’art médical...