Les raisons d’y "croire"...

par Romain Orio

Il s’agit d’un chat Exotic Shorthair de 12 ans, adopté assez jeune par sa propriétaire, après un début de vie difficile semble-t-il, mais dont on ne sait pas grand chose. Il sort un peu dans le jardin, c’est un chat castré assez tranquille de petit gabarit. Il est suivi régulièrement par son vétérinaire traitant (visites annuelles classiques).

Rien à signaler de particulier dans sa vie jusqu’à ce qu’il maigrisse petit à petit (analyses sanguines normales), et qu’il développe une parésie (paralysie partielle) postérieure bilatérale évoluant sur plusieurs semaines jusqu’à une paralysie complète de l’arrière train avec déficit proprioceptif bilatéral sévère.
La sensibilité superficielle au niveau des doigts postérieurs a disparu, la sensibilité profonde est très faible. L’émission des selles et de l’urine reste volontaire mais difficile compte-tenu de l’invalidité motrice.
L’amyotrophie est importante (évolution sur plusieurs semaines).

En pratique, il se traîne sur les fesses avec les antérieurs, les postérieurs restant inertes. Il ne tient pas debout, ne marche plus, la queue ne bouge pas.
Le poil est piqué, un peu gras avec présence de pellicules surtout sur en région lombaire.

Des radios sont réalisées par le vétérinaire traitant. On observe une spondylarthrose lombaire sévère (becs de perroquets, ponts inter-osseux), l’espace inter-vertébral est rétréci, la compression des racines nerveuses expliquant très probablement les symptômes cliniques.
Les radios sont montrées à un chirurgien orthopédique référant pour avis, son pronostic n’est guère encourageant, l’opération n’est pas trop conseillée, en tout cas très incertaine quant aux résultats. Les anti-inflammatoires classiques sont sans effet.

L’animal est référé pour savoir si on peut « faire quelque chose » en ostéopathie...

En accord avec la propriétaire et le vétérinaire traitant, nous convenons d’emblée de plusieurs consultations assez rapprochées pour voir si les choses semblent vouloir évoluer un minimum. En effet il serait probablement illusoire d’espérer un résultat « miraculeux » après une seule séance, étant donné la sévérité du cas et sa chronicité.

Lors de la première consultation, la force de traction médullaire (FTM) est très élevée, des tensions vertébrales thoraciques sont trouvées également en T12-T13, et des tensions crâniennes (symphyse sphéno-basilaire).

Comme lors des consultations suivantes, plutôt que de fortes dysfonctions ostéopathiques classiques, il y a surtout une nette différence entre l’avant de l’animal où le mouvement respiratoire primaire (MRP) est faible mais présent, tandis qu’ à partir des lombaires, sur le bassin et les membres postérieurs, le MRP semble inexistant. Le travail effectué repose pour une grande partie sur la relance de ce mouvement, de façon non spécifique.
Aucun changement en fin de séance. Moëlle épinière 9 CH (organothérapie) est prescrit matin et soir, et la propriétaire est encouragée à réaliser des mobilisations passives et des stimulations réflexes des membres postérieurs plusieurs fois par jour au cours des caresses. Ce traitement complémentaire sera poursuivi deux mois.

L’animal est revu neuf jours plus tard, la posture est identique mais on observe une amélioration du tonus des membres (résistance aux mobilisations passives). La queue rebouge un peu.

Une petite plaie de léchage est apparu sur les phalanges du postérieur droit. Traitée avec de la Bétadine et du Calendula en teinture-mère, cela pourrait être un signe positif de réveil des terminaisons nerveuses. La FTM est très élevée, mais le MRP global semble plus ample.

Seize jours après la première consultation, les progrès sont assez marqués : la station debout est fragile mais possible. Il tient debout quelques secondes puis retombe. Il ne marche pas. Le tonus musculaire est meilleur, les réflexes sensitifs et moteurs reviennent un peu. La plaie aux doigts guérit.

Au bout d’un mois (4ème consultation), nette amélioration : il tient debout durablement, il se rassoie quand même assez vite, mais il marche désormais, explore la salle de consultation, son attitude a changé mais la démarche est encore raide. Le poil a meilleur aspect en région lombaire.
Un travail fonctionnel est réalisé sur le sacrum, les racines nerveuses lombaires et sacrées (queue de cheval), ainsi que sur les membres postérieurs. Des dysfonctions sont trouvées et traitées sur T9-T10 et la 10ème côte, par des techniques fasciales.
Moëlle épinière 9 CH est donnée une fois par jour désormais. Et la rééducation fonctionnelle quotidienne consiste maintenant à l’encourager à marcher, jouer, etc...

Un mois et demi après la première consultation, la chat marche mieux et plus longtemps, il trottine, il s’étire parfois, les demi-tours sont plus assurés et il mange davantage. Les pattes chancellent encore parfois, il ne saute pas et ne monte pas les escaliers.
Le travail en ostéopathie est similaire aux consultations précédentes, sans dysfonction majeure. La FTM est moins élevée. On continue l’organothérapie une fois par jour.

Une dernière consultation a lieu un mois plus tard, soit deux mois et demi après la première visite.
Il saute désormais du canapé pour descendre (mais ne monte pas), court et rejoue régulièrement. La démarche est moins raide. La queue est plus souple et bouge bien. Le poil a bien meilleur aspect.
Le MRP global est bon, cette fois (pour la première fois).

Cinq mois après cette dernière consultation, la chat continue son petit bonhomme de chemin.

Discussion

Dans cette situation, on ne peut pas exclure la possibilité d’une rechute clinique à plus ou moins long terme. Dans ce cas, dès l’apparition des premiers symptômes, il sera nécessaire de revoir l’animal. Mais il serait aussi intéressant dans plusieurs mois, si tout va bien, de refaire des clichés radiographiques pour réévaluer l’importance des lésions arthrosiques et leur éventuelle évolution.

Ce cas clinique illustre bien les possibilités thérapeutiques qu’offre l’ostéopathie en médecine vétérinaire y compris lors de pathologies de pronostic réservé. L’approche globale et sensitive de l’animal permet, dans certaines situations ne constituant pas de contre-indications majeures, de proposer des solutions complémentaires à l’allopathie, qui ne peut pas (ou ne peut plus) en proposer.
En se donnant le temps, car il serait illusoire d’espérer des guérisons instantanées lors de pathologies chroniques et dégénératives, et en abordant les choses sans a priori ni parti pris, on peut toujours essayer de faire en sorte d’améliorer la situation, ne serait-ce que pour redonner un peu de confort à l’animal. Mais parfois aussi pour retrouver le chemin de la guérison.