L’homéopathie en médecine vétérinaire

par Romain Orio

Un autre regard sur la maladie...

Découverte en 1790 par le médecin allemand Samuel Hahnemann, l’homéopathie repose sur la loi de similitude : toute substance - minérale, végétale ou animale - susceptible de déclencher une série de symptômes chez des sujets sains, est capable, à dose infinitésimale, de guérir ou d’améliorer des sujets malades présentant les mêmes symptômes. Par exemple, une piqûre d’abeille provoque une peau gonflée, rosée, qui pique et brûle. En dilution homéopathique, le venin d’abeille (Apis mellifica) guérira une urticaire, un œdème ou une angine qui aura des caractères semblables (gonflement, aspect rosé, sensation de piqûre-brûlure).

En homéopathie, on ne cherche pas à soigner une maladie, on s’intéresse au malade lui-même : toutes ses caractéristiques propres qui le différencient des autres individus présentant, a priori, la même affection. Il n’existe pas de recette homéopathique, de « truc » contre l’angine ou la diarrhée. Mais par la description précise de l’ensemble des symptômes individuels (réaction face à la maladie, tempérament général et pendant la crise, modalités d’aggravation et d’amélioration, historique de la maladie, mais aussi ce qu’on appelle les symptômes rares, bizarres et curieux – apparemment sans rapport mais souvent très précieux !), on peut réussir à caractériser le malade puis en croisant ces informations trouver le bon remède à l’aide d’un répertoire homéopathique de symptômes et d’une matière médicale (qui regroupe pour chaque remède les descriptions des différents symptômes provoqués chez l’individu sain par la substance pure, et donc susceptibles, à dose diluée et dynamisée, de traiter ces mêmes symptômes chez l’individu malade).

Prenons l’exemple simple d’un portrait-robot : si les renseignements se bornent à : “il a deux yeux, un nez, une bouche, deux oreilles et des cheveux”, on est guère plus avancé ! Par contre, si l’on dit qu’il a “les yeux bleus, les sourcils noirs et épais, un gros nez écarlate, les oreilles décollées et les cheveux en brosse”, dans ce cas on peut commencer à travailler. Dans la description du malade il faudra atteindre ce degré de précision, ce qui nécessite en médecine vétérinaire une grande implication du propriétaire ou de l’éleveur, dans le regard qu’il porte à son animal afin de le décrire au mieux.

La prescription homéopathique

En homéopathie, on peut parfois être amené à prescrire plusieurs remèdes (pluralisme) pour couvrir les différentes composantes de l’affection, notamment sur des cas aigus, très localisés, ou si l’on a peu de renseignements à notre disposition. Mais en règle générale, on cherchera toujours à bien individualiser le patient afin d’aboutir à la prescription d’un seul remède (unicisme). Gage d’une meilleure pertinence, c’est aussi la seule méthode capable de venir à bout de problèmes chroniques par la recherche du remède de fond de l’individu. Cette approche repose sur l’utilisation d’un répertoire homéopathique.
Le remède est à prendre une ou plusieurs fois répétés en fonction des cas, au contact d’une muqueuse (orale par exemple, en dehors du repas), et se présente sous une forme solide en tube multidoses de granules ou mini tube unidose de globules (plus petits), ou sous forme liquide.

Ces remèdes existent à différentes dilutions homéopathiques, le plus souvent des multiples de 100 : les CH pour Centésimales Hanhemanniennes ou K pour Korsakoviennes. Les basses dilutions (4, 5, 7 CH ou 6, 12 K) sont utilisées pour les cas aigus et répétées très souvent ; les moyennes dilutions (9, 12 CH ou 30, 200 K) pour les cas aigus et chroniques, sont données une ou plusieurs fois ; et les hautes dilutions (15, 30 CH ou 1000, 10000 K...) sont à prendre une seule fois, dans les cas chroniques, mais surtout ne doivent jamais être prescrites dès le départ.
L’évolution suivant la prise du remède est appréciée sur une durée et selon des modalités différentes de l’approche médicale classique. Et dans la mesure du possible, en dehors de la prise de tout autre médicament (surtout les corticoïdes qui freinent l’action des remèdes par inhibition des capacités de réponse de l’organisme). Cette période est très importante, tout doit observé et noté scrupuleusement par le propriétaire : pas d’effet, disparition de certains symptômes (à tout niveau), apparition de nouveaux ou retour d’anciens, amélioration ou aggravation, vitesse d’évolution, etc. Tout comme lors du recueil des commémoratifs, cette coopération est indispensable à l’appréciation de l’efficacité du remède, absolument nécessaire pour éventuellement renouveler la prescription, changer de remède si besoin et surtout espérer trouver le remède de fond de l’individu dans les cas chroniques. C’est la raison pour laquelle une consultation de contrôle est préférable ; à défaut, avoir des nouvelles et faire le point par téléphone seront nécessaires.

En résumé :

L’homéopathie est une approche très particulière de la médecine. En s’intéressant au seul patient, dans sa globalité et dans toute son individualité, et non plus à la maladie elle-même, elle exige une grande implication du médecin en termes d’observation et d’écoute. Mais il ne faut pas espérer de résultat probant dans le domaine vétérinaire sans la motivation et la participation active du propriétaire ou de l’éleveur. Ce qui, au passage, contribue à renforcer les liens entre l’homme et l’animal.

Parce qu’un petit exemple vaut parfois mieux qu’un long discours, et afin d’illustrer la méthode, voici donc trois petits cas cliniques simples et relativement didactiques, issus du cours du Centre Liégeois d’Homéopathie (www.clh-homeo.be) :

* Chatte adulte de petite taille (par rapport à la normale) atteinte d’un coryza aigu : écoulement nasal purulent et abondant, salivation profuse teintée de sang. Caractère difficile, elle griffe facilement, « veut la paix » (tout la dérange). Elle boit davantage qu’elle ne mange.
Le motif de consultation n’est pas important (pour la méthode !) s’il n’a rien de caractéristique par rapport à toute autre maladie similaire. Les symptômes choisis ici sont : salivation profuse, salivation sanglante, nanisme / chétivité, irritabilité pendant la crise, manque d’appétit avec soif. Traduits en rubriques du répertoire, le croisement de ces symptômes permet de trouver une liste de remèdes les plus représentatifs de ce tableau clinique, parmi lesquels Mercurius solubilis est le plus pertinent. Il guérira l’animal.

* Perruche présentant une perte trop importante de plumes et ne sait plus voler à chaque mue depuis 2 ans, surtout à celle de l’été. Espèce parlant peu, elle ne parle plus alors que d’habitude elle imite, jure et répète tout. Elle adore jouer mais est agressive si on lui prend son grelot. Elle fit un abcès au niveau de l’oreille droite « lorsque » (de façon concomitante) un jour elle a quitté la maison.
Les rubriques choisies furent loquacité (et son contraire), jalousie, aggravation par la chaleur, sentiment d’abandon, tendance aux abcès, et le remède choisi fut Lachesis mutus, dont la problématique tourne beaucoup autour des problèmes de communication.

* Vache charolaise de 7 ans que l’éleveur a dû isoler des autres car « elle se fait chahuter ». « Depuis qu’elle a avortée, il y a 3 mois, elle a perdu de sa superbe, elle est triste, se tient à l’écart, se fait tabasser alors qu’elle tenait bien son rang avant sans pour autant dominer les autres. Il s’agit d’une vache douce, calme, elle aime se faire caresser. » En deux mots ? « Discrète mais fière ». Elle a donc la tête basse, le ventre rétracté, la peau sale et le poil déstructuré, ce qui lui donne l’allure d’une vieille vache en fin de parcours. Un petit écoulement jaune purulent s’échappe de la narine. Au début de sa dernière gestation, elle avait des difficultés à uriner, elle « pissotait ». Elle a beaucoup maigri avant d’avorter à 7 mois. Elle a toujours eu des chaleurs très courtes et peu marquées. Peu de symptômes physiques marquants, pas de température, de métrite ni trouble respiratoire ou digestif ; juste les sabots un peu déformés ou striés.
Les symptômes mentaux caractérisant retenus sont : réservé, hautain, calme. L’écoulement purulent est aussi choisi (car singulier ici), ainsi que chaleurs trop courtes, et émission d’urine goutte à goutte. Le remède, Thuja, présente une grande similitude au niveau psychique dans ce cas (sensation de fragilité, réserve...) mais aussi physique (tropisme pour les phanères et leur fragilité).